Bonnet, Arbeau, Sermisy, Mauduit, Costeley, Le Jeune, De Rose/Bassano, De Bertrand, Créquillon/Dalla Casa, Janequin, Planson, De Lassus, Du Tertre, Josquin des Prés
31 mai 1989
La Renaissance et la Musique
Le Moyen-Âge et la Renaissance partagent les mêmes peurs devant un environnement naturel impossible à maîtriser et devant le tourment métaphysique du rapport à Dieu. mais ils partagent aussi l’esthétique de l’amour courtois, les danses, et les romances « paysannes » et la certitude que toute composition de musique religieuse, voire toute création artistique, touchent à la transcendance. La Renaissance a cependant profondément modifié ce que le Moyen-Âge lui avait transmis en élaborant « l’humanisme » , nouvelle conception de l’homme dont on trouve déjà les antécédents chez les moines Goliards, dans l’enseignement de Pierre Abélard et dans des œuvres comme les Carmina Burana (Réf. Disques BNL 112763).
Pour les hommes du Moyen-Âge la dignité de l’existence trouvait sa réalisation la plus complète dans la réflexion philosophique pure et rationnelle, son point culminant dans la théologie et son expression suprême dans la vie contemplative. Toute velléité d’action ne pouvait être inspirée que par le Diable. Avec la Renaissance on cherche à s’épanouir dans le réel et à asseoir ses connaissances sur l’expérience des sens - d’où la fascination pour la magie et pour le pouvoir des mots, de la musique et de la danse. Sevré de la représentation médiévale de la Chaîne Ininterrompue de l’Être, l’homme de la Renaissance, qui se sent vivre dans un univers instable, discontinu, voué au changement et à la variation reconstruit son monde à partir de lui-même.
Paradoxalement, en situant l’être humain au centre du cosmos et en le glorifiant, l’humanisme a fini par augmenter l’impression de solitude de chacun. Le bouillonnement provoqué par les innombrables changements - que cristallisent la Réforme et la découverte du Nouveau Monde - s’accompagne d’une sensation de deuil profond et du sentiment de vivre dans un monde en déclin où l’on redéfinit de manière précaire et violente le rapport à Dieu et les rapports entre les hommes. La « tristesse » de la Renaissance peut se comprendre en partie comme le reflet émotionnel de ce glissement soudain qui s’effectue dans les mentalités. Les tiraillements entre la nostalgie langoureuse d’un temps plus calme et l’action violente et militante expriment donc, sur le plan personnel, l’expérience de ces paradoxes.
Les interprètes :
Claire Antonini : luth
David Bellugi : flûtes-à-bec
Isabelle Caillard : vièle à archet
Claire Caillard-Hayward : orgue, clavecin
Bruno Caillat : percussions
Chris Hayward : percussions, flûtes-à-bec, flûtes traversières
Berry Hayward : chalumeaux, flûtes-à-bec,
Françoise Johannel : harpes
Ensemble Vocal Philippe Caillard